Km 2383- Griswold, Iowa
Je ne suis plus qu'à 70 kms d'Omaha, fin de la première étape de mon trip puisque Vincent m'y rejoint Jeudi et ma foi je ne suis pas mécontent d'en finir avec cette solitude qui est devenue franchement pesante, dans un pays où la langue est pour moi forcément un obstacle, d'autant plus qu'absolument personne ne parle le Français.
Soyons honnêtes, je vois mal comment j'aurais pu tenir 3 mois seul.
Le rythme de ce voyage demande des efforts physiques hallucinants et un mental d'acier tous les jours, ce qui n'a pas été le cas toujours le cas bien évidemment, et je me demande encore par quel miracle j'ai pu faire quasiment 2400 kms en moins d'un mois...
Ce trip est une pure folie, je me demande chaque jour un peu plus pourquoi je me suis lancé dans cette traversée si improbable en vélo... Mais on va y arriver à San Francisco, même si la route est encore immensément longue que ça en fait peur. Chaque jour, un peu plus vers l'Ouest, mais ce pays est si gigantesque que sur la carte, on avance à tous petits pas...
Depuis Cleveland (Ohio), il y a plus de 2 semaines maintenant, je "navigue" dans le centre-Nord des Etats-Unis (le "Mid-West"), des étendues immenses et légèrement vallonnées. Je pensais cette zone facile à rouler. Grave erreur. Le climat tropical qui règne ici me tape sur les nerfs chaque jour un peu plus. Il est grand temps que nous arrivions dans les grandes plaines à l'approche des Rocheuses, pour trouver un air plus sain, plus SEC.
L'air est ici affreusement humide, cela est dû aux remontées d'air tropical du golfe du Mexique au Sud (pourtant à plus de 1000 kms celui-là !!). Entre 70 et 85 % d'humidité depuis 1500 kms ça nous donne une moiteur par moments insupportable, une transpiration permanente, le besoin de boire très (trop) fréquemment, et surtout les températures qui baissent à peine la nuit. Du coup on a même pas l'impression de se rafraîchir un peu la nuit, et le soleil est brûlant dès 7h du matin. Pourtant, les températures ne dépassent pas 35°c l'après-midi...
Tout ça passe encore quand il n'y a pas de précipitations... Mais depuis une semaine j'ai eu droit à la petite nouveauté : les orages. Et ici, quand il y a une annonce de "storm", c'est tout le monde à l'abri chez soi. Sauf moi sous ma tente, dans des campings où il y a toujours beaucoup de caravanes mais aucune tente. Maintenant je comprends pourquoi... Ces orages donc, parfois d'une violence inouïe, déversent des litres et des litres d'eau pendant toute la nuit voire plus, sont associés à des vents violents créant la désolation dans les villes où des arbres tombent les uns après les autres. Depuis 2 jours, des orages éclatent aussi de jour (très sympa la route en vélo sous les orages si si !!), créant innondations et destruction de ponts (ma petite histoire à ce sujet plus loin). Difficile de dormir la nuit dans ces conditions, la nuit dernière j'ai eu la chance d'avoir le bâtiment des toilettes pour refuge, car ma pauvre tente ne m'a pas tenu au sec bien longtemps, ne fuyant pas par le haut mais par le bas. Le terrain de camping s'était transformé en lac géant, ceci expliquant cela...
Après 3 nuits blanches consécutives, je reprends la route ce matin, avec une étape prévue de 105 kms. Vent d'Ouest de face, un grand classique, toujours la peur de me prendre un nouvel orage sur la tête mais non, je reste au sec toute la journée. Arrivé à Greenfield, on m'annonce une déviation pour la route 92 que je suis vers l'Ouest, je regarde sur mon atlas, 25 miles à faire en plus, ce sera sans moi !
Je me renseigne pour connaître l'origine de cette fermeture de route, et on me dit que 2 bridges (ponts) sont "OUT" à cause des crues. Je demande si il est possible de passer en vélo, on me dit que "yes, maybe". Alors je me lance, seul sur cette route "closed" 13 miles plus loin. J'arrive sur les lieux, remarque effectivement une possibilité de passer sur le côté dans la terre au milieu du chantier de reconstruction. Je m'engage, et me retrouve dans de la boue hyper collante qui remplit instantanément les pneus et m'empêche d'avancer. C'est la fête ! Je décide de porter mon vélo, puis la remorque. J'ai les pieds et les mains remplis de boue mais au moins j'ai passé l'obstacle. Je me fais passablement engueuler par le responsable du chantier, je lui réponds de mon plus mauvais anglais et prends mes cliques et mes claques sans demander mon reste ! La bonne blague, c'est qu'un mile plus loin, 2ème pont, même histoire, en travaux ! Et cette fois-ci, interdiction de passer, le rigolo du premier pont a dû les prévenir du passage en force d'un "biker". Du coup je prends une piste cailloutée pour contourner l'obstacle sur environ 2 miles, et pour retrouver la route 92 plus à l'Ouest, je suis obligé d'emprunter une piste en terre. Et là, un des grands moments du voyage : cette terre s'avère elle aussi hyper collante et gorgée d'eau en profondeur. Je vais mettre plus d'une heure à me sortir de ce bourbier lamentable, à porter successivement vélo et remorque sur un mile environ. Je retrouve enfin une piste cailloutée et rejoint avec un plaisir non dissimulé la route 92, de la boue partout mais content. La station service un peu plus loin a dû apprécier mon passage dans leurs "restrooms" pour me laver...
Bref... C'est tout cela qui crée les souvenirs !!!
Le tableau n'est pas noir, le contact avec les Américains est toujours excellent, je me suis même fait offrir le petit déj par un Américain connaissant Toulouse ! Et toujours de sincères encouragements, un respect des automobilistes de ma vulnérabilité sur la route. Les Américains conduisent extrêmement bien, sans à coups, et sont respectueux à l'extrême du code de la route.
Petite anecdote, hier j'ai fait étape à Winterset, ville qui a vu naître John Wayne et décor de l'excellent film de Clint Eastwood "Sur la route de Madison" (1992), la ville se trouvant dans le comté de Madison...
US Army Ferme typique du Mid-West Au bord du Mississippi
Voie ferrée Un peu de fraîcheur Ferme abandonnée
Rivière en crue La tête des mauvais jours Là depuis combien de temps ?
Là est né John Wayne (Winterset, Iowa) Chevrolet Camaro 2010 :) On the road... Crépuscule à Griswold