Km 5149 - Ely, Nevada
Nous pensions finir "paisiblement" cette traversée des Etats-Unis, en se disant qu'après avoir "affronté" les hauts cols des Rocheuses, les vents de face dans l'Utah et son relief en dent de scie, on ne pouvait que redescendre tranquillement vers le Pacifique. C'est beau de rêver...
La rudesse du climat et du relief des régions que nous traversons nous ont vivement rappelé à l'ordre. Après avoir quitté Nephi (dernier post) toujours dans l'Utah, les paysages sont devenus plus arides, et les villes et villages, plus espacés. Des coins magnifiques cependant, on pourrait appeler ça "The real West".
Mais c'est sans compter sur le climat qui règne ici, pas vraiment favorable au "cyclotourisme" !
Une vingtaine de kms avant Delta, nous nous sommes engagés dans une immense plaine désertique bordée de hautes montagnes, avec, le revoilà, un vent chaud et sec soufflant dans notre direction et rendant laborieuse notre avancée. Je suis maintenant convaincu que le vent est vraiment un des pires ennemis du cycliste, surtout ici lorsqu'il est si sec qu'il nous desseche en un clin d'oeil et vide nos réserves d'eau à vitesse grand V...
C'est ici à Delta, dernière ville de l'Utah, que commence la Highway 50, qui est réputée pour traverser des zones désertes sur plusieurs centaines de kms.
Donc, pour notre première étape sur l'US 50, nous partons au lever du soleil de Delta avec environ 6 litres d'eau et de la nourriture en quantité suffisante. Devant nous, 145 kms de désert sans rien, pas une maison, pas une station service, absolument rien. La journée s'annonce bien, nous faisons 35 kms sans vent et sans s'en rendre compte. Puis, en quelques secondes, l'air se réchauffe et le vent de Sud se met à souffler (mais nous sommes habitués, cela fait 15 jours que nous roulons avec lui...).
Notre vitesse baisse instantanément de 10 km/h environ, nous passons un premier col, suivi d'une longue descente où nous avons momentanément le vent dans le dos. Les paysages sont magnifiques, d'une aridité surprenante : c'est l'Afrique.
Nous venons de rentrer dans la zone du "Great Basin", un immense désert "endoréique" d'où aucun cours d'eau ne s'évacue vers l'océan : toutes les rares pluies qui tombent ici s'évaporent directement où s'infiltrent dans le sol, d'où une salinité des sols exceptionnelle (Grand lac salé de Salt Lake par exemple). Le relief est un peu structuré de la même manière que les Pyrénées, c'est à dire des hautes chaînes montagneuses (jusqu'à 4000 m d'altitude) orientées Sud-Nord, et entre elles de vastes hauts plateaux où la sécheresse est impressionnante : pas de cours d'eau (peut-être en hiver ?), et uniquement de petits arbustes et autres buissons.
Après 80 kms, nous stoppons à l'ombre d'un petit sapin où nous mangeons. Sur la route, quelques rares touristes passent, confortablement installés dans leurs pick-up climatisés, en nous faisant des signes de la main. Ils doivent nous prendre des fous pour faire du vélo dans un coin pareil ! Ce que nous sommes.
La suite est laborieuse... Nous nous engageons dans la montée d'un col, sans un soupçon d'ombre, dont l'altitude mentionnée sur la carte est bien inférieure à la réalité... Et c'est qu'en plus, ça n'en finit pas, le vent et la chaleur s'intensifient, nos réserves d'eau diminuent rapidement...
Cette saleté de vent chaud et sec nous déshydrate, bref au passage du col je me dis que les limites du raisonnable sont dépassées... Nous entamons la descente (qui n'en est plus une avec ce souffle ininterrompu) puis nous apercevons au loin la limite d'Etat entre l'Utah et le Nevada, avec quelques baraquements qui ne sont autres que la station service où nous pourrons trouver nourriture et surtout de l'eau fraîche. Mais voilà, même si nous la voyons, elle est encore à 20 kms....
Des kms qui semblent durer des heures, et, n'ayant plus d'eau, je décide d'arrêter un automobiliste, ça marche au bout de la 3ème fois. Physiquement nous sommes arrivés à nos limites et l'arrivée à la station est une délivrance. On prend une chambre au motel, et on y reste le lendemain car les vents tempétueux persistent et font même l'objet d'une alerte météo.
Nous reprenons la route vers 20h, quand le vent s'est calmé, et dormons en plein désert, avant de ré-attaquer le lendemain, tôt pour plus de 80 kms jusqu'à la prochaine ville, Ely.
Cette fois-ci le vent est (enfin) favorable, souffle du Nord et rafraîchit l'atmosphère. Et ça change tout. Nous passons 2 cols à 2150 et 2350 m d'altitude sans problème, et atteignons Ely, après au total 250 kms de désert. Ouf !
Un passage rude, mais il faut avouer que nous en avons pris plein les yeux. Les photos ne le retranscrivent pas forcément, mais l'immensité des décors est vraiment impressionnante. Et ces lignes droites à perte de vue...!!